Des looks brocki.ch
Clara Vischel, étudiante en Arts Visuels à la HEAD Genève qui possède une formation en design de mode. Elle travaille énormément avec les tissus, qui sont sa «matière première» pour réaliser des pièces portables ou non, et souvent avec du tissu recyclé. Comme elle est étudiante et que son budget n’est pas élevé, elle se procure régulièrement du textile (Rideau, draps, chutes , etc…) dans notre établissement.
Nous avons sponsorisé Clara en tissus et habits afin de privilégier les circuits courts et le recyclage, qui est une partie importante de son concept.
C’est avec plaisir que nous vous présentons quelques photos de ces créations.
Collaboration avec notre brocki.ch de Genève
A suivre sur Instagram : 195cc

VESTIAIRE
Se vêtir
Chorégraphie de l’habillement
De quelques morceaux de tissus qui s’assemblent,
Longs ou courts,
Deux tubes pour les bras, ou pour les jambes,
Un devant
Un dos
Et pourtant
Je coupe une courbe et elle parait droite sur mon bras.
Je coupe une droite, et elle parait courbe sur mes hanches.
J’assemble un angle droit, et il paraît creux sur mon cou
Ce que nécessite un vêtement, pour habiller un corps
Un corps,
Membres et volumes
Des espaces qui se creusent, se contractent et s’allongent
Des clavicules qui dépassent,
Des épaules
Un coude qui s’articule, un instant plat, la seconde d’après pointu
Des hanches qui pivotent
Une main qui passe de lâche, à tendu
Un genou qui n’est pas tout à fait rond, ni plat, ni mou mais tout à la fois.
Fascination de formes,
TEMPS
Tout ça, pour s’habiller
Pour un instant
Pour une seconde ou j’enfile rapidement,
Sans prêter attention
Alors pensons contre temps.
Construire un vêtement, c’est long
Une multitude d’étapes
Apprivoiser les fibres les plus délicates
Ou incomprises
Chaque partie d’une chemise,
Chaque détail,
Chaque bouton cousu, surpiqûre
Est imprégné de lenteur,
De précision
D’aller-retour
Monter un vêtement c’est une deuxième nature, un corps à corps avec le tissu, le fil
Chaque partie du corps est nécessaire
Les yeux qui mesurent
La main qui passe le fil dans l’aiguille,
Et l’aiguille dans le tissu
Les pieds et la machine à coudre
Le dos qui se tord et se courbe
Se penche sur chaque centimètre
Les bras qui repassent
Et le cerveau qui commande et organise l’ensemble
Pour que tout fonctionne
Pour qu’un corps, habille un autre corps
GESTUELLES
Le geste de s’habiller est puissant, profond et ancré,
Ainsi que le geste de superposer
Ajuster, boutonner, ouvrir, fermer, nouer.
Observer la gymnastique spéciale que demande une
Chaussette
Un collant,
un haut
un bas
Prendre le temps
D’observer l’espace que je prends, quand je m’habille.
De prendre conscience, de la chorégraphie qui s’exécute sous mes yeux,
Dont je suis le seul et principal personnage.
C’est mon temps mon vestiaire,
Et tout mon corps qui se remue
Pour un tailleur séparé
Au milieu
Deux manches,
Une moitié dans une nappe ronde,
Manche tailleur fleuri, sur quadrillage d’intérieur
L’autre moitié
Coupé dans un drap de lit rectangulaire
Morceaux de tissus qui s’assemblent,
Longs ou courts,
Beaux pas beaux
Fleurs, sur fleurs
Déchirés, assemblés, rafistolés
Et la main qui serre, noue l’ensemble
A ceci s’ajoute
Une coiffure textile
Un couvre-chef
Solide et souple à la fois
Fleuri sur un coup de tête
Puis
En rajouter, couche sur couche,
Dimension sur dimension,
Deux quarts de manteaux
Habits d’arlequin
Un tiers de patron
Costume d’Homme
Séparé en deux
Un demi col tailleur, et deux espaces pour les bras
Pour que la même ouverture soit un passage de bras, un espace de cou, une entrée de tête, un possible poignet, jupe ou poche
Le morcelé, rafistolé, pas fini, patchwork disgracieux deviennent
le nouveau chic, le nouveau noir,
La Fashion week deviens la Fashion stitch
Robe moitié composée
Pour les vêtements qui se composent
Libèrent les gestes
Il ou il faut prendre le temps
D’observer les matières,
Et les systèmes d’accroche
Se découvrir
Déplier tout son corps,
Observer comme tout s’emboite
Et comme naturellement, notre corps cherche,
Comme il se déplace dans ces espaces
Pensé, coupé, cousu pour lui
Profiter de cette intimité entre soi et soi pour créer
D’autres mouvements,
Plus personnels
Se vêtir plus large, plus fort
Pour que les motifs dépassent sur la peau
Envahissent les lieux,
Et les yeux des autres
Prendre ce temps pour lutter contre la diminution
Contre les discours qui se figent
Qui disent :
« Tient toi droite, ne fait pas de bruit »
Soit silencieuse
Évite les couleurs criardes
Celles qui font mal aux yeux
Ta veste ressemble aux rideaux de ma grand-mère
Tout ça est moche, vieux, taché, kitsch, grotesque
Patchwork incompris.
Poche, sac
Pour les contenants, plus importants que le contenu
Pour les poches intimes les cavernes, fentes, et autres lieux cachés
Les poches qui ne sont pas encore ouvertes, encore cousues,
Le simple geste d’y mettre la main
D’y cacher, ranger, stocker des objets
Des mots, une pièce, un ticket.
Robe de mariée
Je décide d’accepter la matière laide, interdite, moche, tachée, imprimée, vieille,
Peu moderne, décorative et grotesque
Comme étant valide,
Contemporaine, futuriste, essentielle et éternelle
Ni kitsch, ni laides, ni passées, je veux revoir les loques, oripeaux, carpettes, chiffons, essuie meubles, serpillères et autre fibres incomprises autour de moi, et sur moi.
Robe demi démesure
Morceaux de jersey trop larges,
Trop longs
Gestuelle élastique
Matière qui se tend et se détend
Aussi bien qu’un corps
Alors
Pour les vêtements qui se composent à deux, ou à plusieurs
Qui nécessitent la main d’autrui
Qui serre, tire, noue.
L’autre qui aide,
Habille ou déshabille,
Et si je ne peux le faire seule
Est-ce que s’habiller devient une intimité partagée ?